Chronique 183- Dadou Pasquet, un cri du coeur

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Serge
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Chronique 183- Dadou Pasquet, un cri du coeur

Post by Serge » Sat Aug 27, 2022 2:32 pm

Chronique musicale 183-Dadou Pasquet, un cri du cœur
Récemment, le Magnum Band fêtait ses 46 ans d’existence. On ne peut pas compter le nombre de groupes haïtiens qui se sont produits sur la scène musicale haïtienne pour ensuite disparaitre en quelques années. Cela n’a pas été le cas pour Magnum Band. Le groupe a non seulement survécu vents et marées, mais il continue de se distinguer par son identité distincte – La seule différence! -, un répertoire caractérisé par la qualité des compositions, la créativité, les messages et un souci constant de ne pas sombrer dans la banalité. Courtoisie des fondateurs du groupe, les frères André et Claude Pasquet, mieux connus comme Dadou et Tico Paquet, respectivement. Le premier, guitariste, compositeur, chanteur de renommée internationale et le second, un extraordinaire batteur d’une rigueur, d’une discipline et d’un sens aigu du rythme, l’un des meilleurs batteurs de compas sur le terrain.
Ayant repris ses activités, Dadou Pasquet, compositeur toujours en ébullition, vient de sortir un nouvel opus. Dans sa composition datant de 2019 : « Boujon lespwa », Dadou avait lançé un message d’encouragement réconfortant : « : …lè la pli fin tonbe, boujon lespwa toujou pouse… ». Deux ans plus tard, c’est le désespoir qui prévaut chez nous et il est impossible pour Dadou de rester impassible face à la catastrophique situation que connait Haïti. Son nouvel opus intitulé : « An’n rekonsilye » (sic) reflète ses profondes préoccupations au sujet de ce qui se passe dans le pays : « …sa k ap pase la a, non sèlman nan endistri mizikal, men nan peyi a…nou blije rasanble pou nou voye mesaj sa a ale… », le voit-on dire depuis son studio.
Dès l’introduction, le message est clair, direct, sans détour : « …pa janm dezespere……frèm ak sèm (sic) pa dekouraje…..fòn kinbe (sic) priye veye poun (sic) konbat vye mechanste…. ». Quiconque connait la discographie de Magnum Band sait que Dadou n’est certainement pas à son coup d’essai en faisant passer des messages de cette nature à travers ses compositions. Mais cette fois-ci, les paroles de cette composition reflètent un caractère urgent en raison des conditions alarmantes prévalant dans le pays à tous les niveaux, de jour en jour, pour ne pas dire d’heure en heure. Dans la bande de lancement de la composition, Dadou n’a pas voulu seulement faire une description sonore de la situation, mais aussi une description visuelle, d’où le visionnage de bandes vidéo accompagnant l’apparition d’un nombre impressionnant de chanteurs et chanteuses qui, de toute évidence, partagent les préoccupations exprimées par Dadou, d’où leur participation à ce projet. Il sied de citer les noms de ceux-ci: Armstrong Jeune, Richie, Stanley Toussaint, Clinton Benoit, Pipo, Tamara Suffrin, Jude Jean, Flav, Sabine Francoeur, Reginald Cange. Quoi de plus poignant que d’entendre Tamara Suffrin dire que depuis sa plus tendre enfance, elle n’a jamais connu un jour de paix! « Divizyon ap fè nou fè lagè!... », dit Reginald Cange.
Dans la tradition de Magnum Band, « An’ n (sic) rekonsilye¨ » s’inscrit dans l’excellence des compositions écrites et arrangées par Dadou et le Magnum Band. Les arrangements des cuivres électroniques sont excellents et Tico à la batterie assure une stabilité permanente à la section rythmique. Les notes du solo de guitare de Dadou résonnent comme un appel à la réconciliation; quant à Sabine Francoeur, elle invite la population à sortir de sa torpeur, de son fatalisme « Se pa chita di Bondye bon, fò nou fè yon jan, li lè li tan, twòp dlo nan je, nou gen ase! » Dadou pourrait-il être plus explicite?
Il fut un temps où l’on disait que le compas était strictement une musique de danse. C’est dans cet esprit que Nemours Jean-Baptiste avait créé son rythme. Cependant, il n’avait certainement pas prévu que son cher pays se retrouverait dans l’abime politique, social et culturel dans lequel il se retrouve aujourd’hui, situation qui littéralement interpellent les musiciens de compas à sortir de leurs gonds pour sensibiliser la population à cette situation politique et sociale dans leurs messages. Après tout, lorsque certaines conditions dans un pays ont un tel impact sur la survie même des musiciens, il est impératif que ces deniers qui, de par leur profession même, jouissent d’une plus large audience, communiquent leurs messages à travers leurs compositions sans qu’ils soient obligés de s’immiscer dans la politique comme l’ont fait quelques-uns chez nous avec des résultats catastrophiques. En témoignent la piètre performance de Manno Charlemagne à la mairie de Port-au-Prince et plus près de nous, la désastreuse et répugnante administration de Michel Martelly. Tel est le sens de cet opus de Dadou qui, en réunissant autour de lui cette pléiade des meilleurs chanteurs et chanteuses du compas, espèrent communiquer son message au plus grand nombre, dans l’espoir que « ...lè la pli fin tonbe, boujon lespwa toujou pouse… ».
Il y a lieu de remercier et de féliciter Dadou et le Magnum Band pour cette excellente composition, du point de vue musical aussi bien que de la substance. Il faut espérer que le message sera bien reçu.

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